#8 Pucón


Ce dimanche 15 mars, nous quittons San Martin de los Andes et le beau Lago Lacar pour remonter auprès des montagnes et nous rapprocher de la frontière avec l’Argentine, au niveau du Paso Mamuil Malal. La ville s’éloigne peu à peu, puis nous rejoignons Junin de los Andes, dernière bourgade avant la frontière : nous y goûtons de délicieux empanadas.

Nous poursuivons dans une plaine aride, rafraichis par la douce brise qui nous accompagne et la fraicheur d’une oasis de verdure apportée par la rivière. Au loin, l’immensité lunaire s’étend sous nos yeux. Cette route bordée de reliefs ondulés contraste avec celui des jours qui précédent, au cours desquels nous cheminions entourés de montagnes chacune plus grande que les autres. Là, les reliefs semblent être des collines sèches, inanimées, avec pour seule végétation des herbes rases. Soudain apparait au loin un cône, immense, se détachant de tout ce qu’il y a autour : le volcan Lanin, notre récompense après les 50 kilomètres qu’il nous reste à parcourir…

Il guidera ainsi notre chemin, tantôt disparaissant, puis réapparaissant toujours plus proche, toujours plus grand. La forme parfaite d’un volcan tel que les enfants le dessinent, décoré de son col blanc de neige éternelle. Entre le Lanin et nous, plusieurs massifs se dressent et masquent une partie de son panache : nous les dépassons les uns après les autres jusqu’à terminer seuls en duel face à sa grandeur.

Mais déjà les premières lueurs du soir teintent le ciel d’orangé : cela tombe bien, nous approchons de la forêt qui devait abriter notre nuit. Une forêt particulière, exclusivement composée d’araucarias, ces arbres millénaires qui charment Magali et ressemblent à des sapins de Noël, guirlandes comprises : les araucarias auraient vécu à l’ère des dinosaures… Nous passons la nuit dans cette forêt enchantée qui semble appartenir au royaume des Ents.

Le lendemain nous devons franchir la frontière et retourner au Chili : mais avant, quid d’une randonnée sur les flancs du Lanin ? Un gardien du parc nous informe cependant que sur décret du gouvernement, tous les parcs accès nationaux argentins ont fermé depuis la veille, afin d’inciter les touristes à s’extrader du pays. De même, le Chili aurait fermé ses frontières et seuls pourraient entrer les chiliens : qu’en est-il de deux cyclistes traversant les deux pays ? Quelques formalités administratives usuelles et nous passons finalement sans difficulté. Seul le contrôle des douanes agricoles laissa du fil à retordre à nos estomacs, qui durent tant bien que mal engloutir les produits frais qui restaient dans nos sacoches : ce détail nous avait échappé !

Nous voici donc au Chili, bien accueillis par une descente de 1000m de dénivelé digne du Tour de France. Pendant que Tim trace la trajectoire parfaite pour essayer de faire frotter les sacoches à la corde, Magali tente d’enchainer les virages : le vent de face aide pour une fois à contrôler la grande vitesse de la route ! La journée se termine calmement avec un léger vent de face, et un grand retour à la verdure. A mesure que nous traversons collines et campagnes, le Lanin s’éloigne et fait place au volcan Villarica : nous approchons de Pucón, ville au pied du volcan le plus actif d’Amérique Latine. Alors que nous recherchons un camping calme en amont de la ville, le hasard nous porte dans l’établissement d’Isabel et Marco, qui propose aussi des ascensions volcaniques : ultimatum, ils nous proposent de faire l’ascension du Villarica dès le lendemain avant la fermeture des parcs au Chili. A prendre ou à laisser !

Il est 6h30 lorsque nous prenons la route en compagnie d’Oscar, notre guide pour cette aventure, un chilien énergique dont la joie de vivre donne envie de gravir les montagnes (ça tombe bien). Les touristes ayant déserté la zone, seuls quelques groupes arpenteront le volcan aujourd’hui : une aubaine en ce lieu très fréquenté. La mer de nuage se découvre pendant que nous marchons bon rythme dans les gravas hérités des dernières éruptions.

Ce spectacle tout juste apprécié, la bordure du glacier apparait : crampons, casque et piolet, parés à grimper ! De belles crevasses bordent nos pas, notre regard reste attentif car il faut veiller aux quelques pierres qui pourraient se décrocher depuis la cratère. Plus que quelques centaines de mètre nous séparent du sommet, nous quittons les équipements pour terminer dans les cailloux, masque à gaz autour du cou en cas de vent sulfureux défavorable… Une magnifique brèche jaunie de soufre d’où jaillissent les panaches de gaz se dévoile : son et lumière, le grondement du volcan se fait entendre, surprenant ! Quand nous parvenons enfin à dominer nos émotions, nous prenons le temps d’observer l’immensité qui nous entoure, accompagnée des ronronnements volcaniques. On se sent tout petit devant les forces de la Terre qui nous rappellent à notre humble condition humaine.

La réalité du monde a malheureusement repris son cours, nous sommes restés deux jours à Pucón pour suivre l’évolution des événements sanitaires au Chili. Pas de confinement pour l’instant, nous reprenons la route cette après-midi, sinon on retourne sur notre volcan !

2 Comments

  • Il y a de la graine d’écrivain.e.(?) dans ce récit. Je ne sais pas lequel de vous deux l’a rédigé mais je suspecte une petite blondinette ! Je vous souhaite de pouvoir continuer à en publier beaucoup d’autres alors que la situation complique votre périple. Bien que vous remontiez (vers le Nord), ne roulez pas trop vite dans les descentes, vous êtes sans filet !

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